5% du chiffre d'affaires annuel des micro-entrepreneurs qui s'envole d'ici le 1er janvier 2026, c'est une douille inefficace et méprisante.
Jusqu'à maintenant les micro-entrepreneurs n'avaient pas droit à une retraite complémentaire, puisqu'ils ne la finançaient pas.
C'est sur le point de changer puisque l'État prévoit d'augmenter de 5 points le taux de cotisations sociales d'ici 2026, avec le calendrier suivant :
Ces cotisations sociales supplémentaires serviront à financer la retraite complémentaire des micro-entrepreneurs (lol).
C'est très loin d'être une bonne nouvelle, voyons pourquoi.
Si on part du principe que l'État souhaite le bien des micro-entrepreneurs, on peut en déduire qu'il les juge incapables de préparer leur retraite.
Mais on peut aussi en déduire que ce n'est pas la situation financière compliquée des micro-entrepreneurs qui préoccupe l'État.
Autrement il ne se permettrait pas de leur enlever une part de leur chiffre d'affaires.
Peut-être que l'État voit les micro-entrepreneurs comme des personnes dépensières et incompétentes face à la gestion de leur budget.
Mais est-ce bien sérieux d'accélérer leur chute, plutôt que de les former ?
Ou alors, peut-être que le bien des micro-entrepreneurs n'est pas une si grande priorité face à un système en manque de financements ?
Et dans ce cas, on reconnaît que les micro-entrepreneurs prennent un pari risqué.
Il n'y a de gagnant dans aucun de ces scénarios.
Alors tant pis pour la philosophie et intéressons-nous à des problèmes plus concrets.
Une étude de l'Insee paru en 2023 indique que la majorité des micro-entrepreneurs occupent également un emploi de salarié.
En d'autres termes, la majorité des micro-entrepreneurs cotisent déjà pour leur protection sociale au travers de leur statut principal.
Cette majoration des cotisations sociales fait doublon.
Surtout, elle les prive d'un revenu déjà très modeste puisque cette même étude de l'Insee présente un chiffre d'affaires moyen de 13 540€.
Un revenu qui est le fruit d'une ambition de créer, librement.
Mais cette réduction sur la marge des micro-entrepreneurs a d'autres impact, notamment sur leurs charges.
Si le taux de cotisations sociales augmente, l'abattement forfaitaire ne bouge pas :
Hors, le rôle de cet abattement est de permettre aux micro-entrepeneurs de ne payer de l'impôt sur le revenu que sur leurs bénéfices : chiffre d'affaires - charges.
Ces charges comprennent les cotisations sociales.
Alors les augmenter de 5% sans revoir l'abattement forfaitaire, c'est diminuer d'autant le montant des autres dépenses couvertes.
Autrement dit, la rentabilité des micro-entrepreneurs va chuter.
Pour illustrer ce que ça représente très concrètement, faisons nous une idée ce que ces sommes représentent sur la durée de cotisation légale pour la retraite.
La durée de cotisation légale pour la retraite est de 43 ans, avec chaque année 5% du chiffre d'affaires des micro-entrepreneurs qui va s'envoler.
Voilà ce que ça représente sur 43 ans 👇
Cotisations annuel de 5% : 1 943€, sur 43 ans : 83 528€
Maintenant, oublions le décret un instant.
Imaginons que les micro-entrepreneurs gardent cette somme sous leur matelas pour la ressortir le jour de leur départ à la retraite, à 64 ans.
En sachant que d'après une étude de l'Insee, l'espérance de vie moyenne en France pour une femme est de 86 ans contre 80 ans pour un homme.
Autrement dit, une femme vit 22 ans à la retraite et un homme 16 ans.
À partir de là, on peut diviser la somme gardée sous le matelas des micro-entrepreneurs par la durée de leur retraite pour calculer leurs "rentes mensuelles" 👇
Cotisations annuel de 5% : 677€, sur 43 ans : 29 111€
Rentes mensuelles pendant 19 ans : 128€
Les résultats de ce scénario sont optimistes, surtout quand on sait que Capital estime 75€ de rentes mensuelles pour un chiffre d'affaires de 10 000€.
Pourtant, laisser de l'argent dormir sous un matelas c'est la pire des situations.
Parce qu'en 43 ans l'inflation va conduire à une augmentation des prix et ce que tu achètes aujourd'hui à 100€ en vaudra peut-être 300€ à ta retraite.
Tu ne pourras plus l'acheter.
D'où l'importance de placer ton argent de façon à générer des intérêts, chaque année.
Avant de présenter de meilleures alternatives au matelas, il faut comprendre la puissance des "intérêts composés".
Imaginons que tu places 100€ avec un taux d'intérêts annuel de 10% :
Autrement dit, tu gagnes de plus en plus, sans rien faire.
L'exemple n'est pas très vendeur, on ne parle que de quelques euros.
Alors pour mettre en lumière les effets des intérêts composés, imaginons que tu places 100€ chaque année pendant 43 ans avec 10% d'intérêts annuels 👇
Tu vois, c'est plus du tout la même histoire.
Maintenant qu'on est sur la même longueur d'onde, voyons ce que ça voudrait dire pour la retraite des micro-entrepreneurs.
Cette fois-ci tu ne mets pas 5% de ton chiffre d'affaires sous ton matelas tous les ans mais sur un enveloppe qui va te rapporter des intérêts.
Pour cette simulation j'ai choisi des enveloppes simples et accessibles à tous :
Concernant le PEA et le CTO, il s'agit d'investir en bourse sans assurance sur le taux d'intérêts mais 8% c'est cohérent avec les données historiques.
Pour le reste, mêmes hypothèses qu'avant :
Voyons ce que ça donne sur les enveloppes classiques 👇
Cotisations annuel de 5% : 677€, sur 43 ans : 29 111€
Rentes mensuelles pendant 19 ans : 128€
Le montant des versements sur Livret A est plafonné à 22 950€
Ce qu'on observe c'est que ça fait beaucoup, beaucoup plus.
Même pour le livret A, dont le rôle n'est pas tellement de gagner de l'argent mais surtout de ne pas en perdre face à l'inflation.
Autrement dit, la retraite complémentaire sera probablement d'une inefficacité ridicule, même face aux plus simples des enveloppes.
J'utilise le conditionnel ici, parce qu'on ne sait pas grand chose de ce qu'elle représentera véritablement et on ne peut faire que des suppositions.
Quelques explications concernant les enveloppes absentes de ce simulateur :
Je n'aime pas beaucoup cette réforme pleine de contradictions.
Elle prive les micro-entrepreneurs en difficulté d'un revenu Ô combien important pour eux et méprise les compétences financières de beaucoup.
Et si la santé financière des Français est véritablement le nerf de la guerre, la solution se situe d'avantage dans la sensibilisation et l'accompagnement.
Maintenant que c'est dit, cette réforme n'enlèvera pas tout le potentiel de la micro-entreprise qui restera un statut très avantageux.
Le gros point d'attention se situe essentiellement au niveau de tes charges.
Si elles sont déjà importantes, cette réforme pourrait bien être le coup de sifflet final pour te tourner vers un autre statut.
Quoi qu'il en soit, pas d'affolement.
Et fais-toi accompagné avant de prendre une décision.
La France restera un beau pays et la micro-entreprise un bon statut pour entreprendre.
Liste des sources utilisées pour la rédaction de cet article.
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